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Le Misanthrope

Dehors au pied des murs de béton hauts comme des géants, les fourmis dansaient comme si demain n’existait pas ; ondulant comme en transe au son de la musique électronique. Non loin de la rue où les danseurs grouillaient se dressait un hôtel, immeuble crasseux coincé entre les piliers soutenant le périphérique. Au troisième étage le store était à moitié baissé, laissant entrer la lumière gluante de l’enseigne au néon mauve. Là dans la chambre aux murs nus il y avait un lit et Jacob gisait étendu dessus, les bras glissés sous l’oreiller sale derrière sa nuque, il clignait lentement des yeux, savourant les sensations que lui procurait la bouche de cette fille a demi-nue tout près de lui ; c’était du plaisir sans émotions, comme du feu sans chaleur.

Elle, c’était une belle brune, probablement une fausse brune, ses cheveux masquaient partiellement son visage mais ses yeux étaient de grands trous noirs sans fond ; la salive qui maculait son menton s’enroula autour des doigts qu’elle utilisât pour essuyer ses lèvres. La délicatesse émanant de son être, de sa façon de bouger accentuait le contraste avec le sordide de la situation, accentuant aussi la barbarie du sourire carnassier qui passa sur le visage de Jacob au moment de délivrance. Un soupir, une main caressant les cheveux de la fille, l’autre à la recherche de la bouteille d’eau au pied du lit ; la voix cassée Jacob pré-visualisait déjà le trajet de l’hôtel jusqu’à son appartement.

« C’était bien. »

Une caresse fugitive sur la poitrine de Jacob et elle se leva pour aller à la salle de bains, c’était fini, Jacob en profita pour se lever et enfile son pantalon, puis sans boutonner sa chemise il sortit son portefeuille et en tira les billets un par un avant de les disposer sur la table de nuit.

« J’ai tout posé sur la table, salut. »

Elle regarda son reflet disparaître dans le miroir puis écouta la porte se refermer avec une douceur pudique, elle sourit devant cette manifestation de honte.

Dehors dans la rue, Jacob releva le col doublé de sa veste et frotta ses mains l’une contre l’autre malgré les mitaines de laine qui les recouvraient, l’asphalte recrachant le peu de chaleur du jour vibrait sourdement sous les coups de butoir des basses non loin de là. Marchant seul, croisant quelques-unes unes de ces parodies de fêtards au visage pâle et aux lèvres barbouillées d’un rouge sanglant, il se rendit compte plus que jamais qu’il vivait dans un univers de chandelles cherchant à brûler leur temps le plus vite possible. Jacob avait froid et peur, il était encore en vie ; la seule pensée qui lu vint à l’esprit à ce moment précis fut : « Plus pour longtemps. »
Page vue 852 fois, créée le 05.09.2007 22h13 par guinch et modifiée le 05.09.2007 22h19 par guinch (#2)
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