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Putain de journée

Ma vie est un tantinet compliquée…C’est ce à quoi je songeais dans ce bar de Seattle, il faisait moche au dehors, comme d’habitude dans ce pays de merde.

Mon whiskey, le dernier, roulait sur les parois de son grand verre, lui même tournoyait sans grand intérêt entre mes mains fatiguées par une nuit blanche de plus, l’odeur de l’alcool me dégoûtait profondément, la lumière me brûlait les yeux et je crevais de sommeil. Pas très réjouissant comme début de journée au final, je regardais la pendule au dessus du comptoir, cinq heures douze. Mais qu’est ce que je foutais encore dans ce bar, j’aurais déjà du être dans une chambre d’hôtel quelque part, dormir et ré-envisager mes problèmes sous un jour nouveau ; j’avais besoin d’un break.

Il faisait un froid de tous les diables et il commença même à neiger, paquet de cigarettes vide, plus que quelques billets en poche ; j’aurais du laisser ce whiskey là où il était, mais j’avais payé alors j’allais le boire ; un cul sec immonde qui m’a raclé la gorge et a encore plus aggravé le pleurnichement de mes yeux ; je me levais et faisait semblant de lancer un salut au barman alors que j’enfilais la porte qui me ferait passer de ce refuge intemporel climatisé à la froide rue au pavé devenu glissant.

Un ticket pour l’enfer, je marchais sans trop savoir si c’était la fin de la nuit ou le début du jour ; le flingue me blessait le bas du dos, son métal froid me filait des frissons, comme si vivant il voulait me rappeler tout ce qu’une arme représente et le décompte des gars étendus sur le sol que j’avais laissé un peu partout.

Je crachais mes glaires dans la neige encombrant les poubelles sur le côté et essayais de me situer, autour de moi des bâtiments défraîchis et de la grisaille, aucune issue de secours ; cette sensation oppressante ne me lâchait pas d’une semelle, un crissement léger, des pas sur la fine couche de givre, un mec en manteau gris, costard relativement propre, rasé et after-shave de luxe, cherchez l’erreur, que faisait ce gars là dans mon décor d’apocalypse à une heure avancée du matin et au milieu de nulle part ? Aucune idée, il était louche c’est tout et j’étais à un niveau de nervosité au delà du raisonnable, pire que fatigué, lessivé et paranoïaque.

Tout était de plus en plus flou, de plus en plus mou ; ma main s’est instinctivement repliée sur mon vieux pote italien au creux de mes reins, à choisir la pire des solutions, autant prendre celle qui vous gardera en vie quelques minutes de plus ; le mec est passé en me regardant avec un mélange de crainte et d’étonnement ; un type mal rasé, les yeux gouges, dans un costume noir froissé et trop léger pour la saison, la main planquée dans le dos ça a de quoi rendre nerveux, non ce con là était monsieur tout le monde, il n’avait pas ces lunettes de soleil que les mafieux affectionnent quelles que soient les circonstances ; il a disparu au coin de la rue et je suis tombé sur le cul, je pleurais d’épuisement nerveux…Trente six heures de cavale, j’allais mourir de toute façon alors pour le moment je devais dormir ; je me suis relevé tant bien que mal et j’ai erré poussé par l’énergie du désespoir, puis j’ai vu une enseigne d’hôtel, j’ai agi par pur conditionnement en signant registre et en effectuant le rituel complexe qui doit camoufler l’épave suspecte que je suis devenue, la préserver du naufrage quelques heures encore.

J’ai bouclé la porte de la piaule, baissé le store bancal, débranché le téléphone et enlevé mes chaussures et ma veste ; puis au contact du matelas contre mon visage j’ai sombré dans le néant bienfaiteur pour autant d’heures qu’il le faudrait, sale journée. 

 

Bizarre quand la mort vous talonne il ne vous vient souvent que des idées cons, pour ma part la seule chose à laquelle je rêve c’est le dernier coup que j’ai tiré avec une strip-teaseuse dans ce motel anonyme sur un bord de route, il paraît que les pendus bandent comme des damnés et bien sans être promis à une mort aussi rapide je fais beaucoup de mal à monsieur le matelas, c’en est presque dommage de gâcher une aussi belle trique.

Mes projets pour les heures qui suivront mon réveil : Prendre une douche, avaler un breakfast d’enfer avec un café noir, trouver un plus gros flingue, voler une voiture, rouler vers Vegas et prendre un max de bon temps par ce qu’il ne m’en reste plus beaucoup.

Page vue 1254 fois, créée le 05.09.2007 22h10 par guinch
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