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Kottos V1.0

Le sergent Glen Gyas était un grec américain de quatrième génération ; un mec de taille moyenne, la trentaine, plutôt sportif. Sa mâchoire carré, son œil mauvais et une propension à la brutalité que respirait son langage corporel faisaient de lui un des investigateurs les plus efficaces de l’anti-gang de Mega City, Anita Lopez était contente de bosser avec lui.

Ils se connaissaient depuis deux semaines à présent, et ils comprenaient tous deux qu’ils avaient intérêt à jouer de leur complémentarité sur le terrain ; elle avait le bon contact et lui la main lourde, le classique poncif du bon et du mauvais flic.

Comme souvent ils déjeunaient chez Andreas, les meilleurs keftedes de la ville, c’était agréable de profiter des ventilateurs tout en regardant les gens passer rapidement dans la rue écrasée de chaleur.

« On a un été diabolique cette année, ça va rendre tous les habitants de ces barres d’immeubles complètement locos… Les statistiques le prouvent Sarge, on a plus de fusillades et d’homicides lors des fortes chaleurs. »

Il avalait son café au lait en approuvant de la tête.

« Je sais Lopez, quand j’étais encore en uniforme on est arrivés une fois pour boucler un périmètre ; chopper ce fameux hacker qui avait piraté la base de donnée fédérale, Trinity je crois. Deux unités ont fini sur le tapis, ensuite on a cavalés comme des dingues sur le toit des immeubles avec les feds, on a lâché l’affaire quand le suspect a sauté dans le vide… Complètement dingue je te dis ! J’aime pas cette putain de chaleur. »

Deux mois plus tard, sur un boulevard ils roulaient lentement en écoutant la radio… Un arrêt au feu, juste le temps de tourner la tête et voilà que Gyas est sorti du véhicule, il traverse la rue et dérouille un gars qui rackettait une pute. C’était les moments imprévisibles qu’Anita n’aimait pas chez son partenaire, il avait jaillit comme un diable en boîte, déplié sa matraque télescopique et envoyé le gus à l’hôpital avec des fractures un peu partout.

« Pourquoi t’as fait ça Sarge ? »

Il l’avait regardée un peu hébété alors qu’ils remontaient en voiture, et il avait désigné la fille sur le trottoir, l’air confus.

« Elle m’a appelé à l’aide. »

De l’autre bout du boulevard c’était peu probable… Mais ce n’était que le début du délire.

Il a perdu le sommeil les jours suivants, l’appétit aussi ; il marchait au café et aux amphétamines, il devenait pâle et ne quittait plus ses lunettes de soleil que pour passer de l’eau sur ses yeux cernés. Finalement il a parlé à sa partenaire, il repensait tout le temps à cette fille, elle l’obsédait ; il voyait son reflet dans les miroirs, sa silhouette dans la foule, son visage se superposait à celui des filles des magazines… Et parfois il aurait juré que c’était sa voix à la radio.

Il fallait qu’il la retrouve.

Ils ont alors secoué tout un tas d’indics, remué les rues de fond en comble et ils sont remontés jusqu’à ce type : Jimmy Cricket.

Jimmy Cricket était un type que tout le monde connaissait, mais qui étrangement, faisait assez peu parler de lui. Il n’avait aucun problème avec les gangs et tenait une écurie de gagneuses, toutes « première classe » comme il disait lui-même.
Quand on voit le genre de gorilles qui gardent la planque de Jimmy, on ne se demande pas pourquoi il jouit d’une telle tranquillité ; mais ça c’était une de ces petites subtilités qui échappaient encore à Glen Gyas.
Jimmy C était une petite crapule, mais aussi un cinglé ; il n’avait aucun courage à proprement parler mais dès que l’on remettait en question son autorité sur les filles alors il grimpait immédiatement en zone rouge, comme s’il avait été programmé pour ça.
Le soucis dans ce cas particulier, c’est que la cervelle de Gyas carburait elle aussi, haut dans les tours, depuis plusieurs semaines déjà. Voilà pourquoi ce qui aurait du être un simple échange de formalités du genre : « lâche cette fille et on te fout la paix » a tourné au western.

Les flics auraient du en sortir les pieds devant, cette histoire est floue et il n’y a pas eu de rapport sur cette fusillade, étrangement il n’y avait pas de corps non plus. Lopez ne se souvenait de rien, quand à Gyas il ne voulait pas en parler, visiblement troublé ; il a vaguement parlé d’un « agent », mais il était très confus lui aussi.

Leur maquereau « effacé », les filles de Jimmy C s’étaient rapidement éparpillées dans la nature ; après enquête, deux d’entre elles : Mel et Lili la chinoise étaient encore en ville. A partir de là, Glen Gyas a mis sa partenaire sur la touche, prétextant qu’il avait passée la ligne entre le boulot et les affaires personnelles, il s’est lancé seul à la recherche des deux filles.

Mel, c’était la fille qu’il recherchait ; une souris blonde avec de grands yeux clairs, une sacrée nana ; elle ne parlait pas des masses, elle se contentait d’être là, sourire, briller et les gens faisaient alors ce dont ils ne se sentaient pas capables autrement.
Ils étaient bien tous les deux, ils ne pipaient pas un mot, ils se regardaient et ça passait simplement dans l’air entre eux ; on aurait dit qu’on les avaient pris en photo un jour de printemps et que leur vie s’était figée sur ce moment là.

Mais un jour on est passé de pause à avance rapide.

Ils voulaient un gosse, c’était logique, quand on voyait l’harmonie qu’il existait entre Mel et Glen, on se demande même comment ce môme n’était pas apparu un jour comme par enchantement. C’est là que les ennuis ont déboulés, Mel s’est éteinte peu à peu, Glen tournait comme un fauve en cage et un dimanche après midi un type est entré chez eux, coups de feu et bien le bonjour du mérovingien : tu me voles, tu payes ; cause et effet.

Glen a survécu, il a monté un bateau incroyable pour sa déposition ; mais sa partenaire se doutait bien qu’il y avait du vilain et de l’étrange dans l’air, comme pour la fusillade chez Jimmy C.

Après ça, l’enfer : suspicion, suspension, dépression…

Il pouvait boire comme un trou mais ça ne l’abrutissait jamais assez, il pouvait aller se coltiner poings nus un type de deux fois son poids et gagner à l’usure, plus rien ne pouvait lui faire assez mal pour l’abattre, plus rien ne pouvait lui faire aussi mal que la perte de Mel.

Mais il avait ce nom brûlé au fer rouge en tête : le mérovingien.

Il était évident qu’il allait y laisser sa peau, mais il s’en fichait éperdument ; sa raison d’être avait trop fugitivement été une femme, à présent c’était la vengeance.

Somnambule, sans le savoir Glen Gyas s’éveillait et bien des yeux s’étaient posés sur lui : petit fil d’Ariane en caractères verts, juste un peu plus ternes que les autres, et lancé à cent à l’heure sur une route de collision avec le français.

Une aubaine pour les gens de Zion, ou du moins le pensaient ils. Le capitaine Zeus lui a offert le choix, il a pris la pilule rouge et les machines n’ont pas fait de problème : ainsi est né Kottos à bord de l’Hovercraft Olympus.

La suite est simple : désobéissances multiples lors de missions, vendetta personnelle envers les exilés du Mérovingien, un goût certain pour l’action directe. Bref seul les dissidents du E Pluribus Neo pouvaient lui offrir un moyen de se venger, en contrepartie il ferait pour eux ce qu’il savait faire le mieux : se battre.

Mais rien n’est simple dans la Matrice, tout n’est qu’apparences et l’Oracle pourrait avoir une vérité à révéler à Kottos que ce dernier aura bien du mal à entendre.
Page vue 811 fois, créée le 26.03.2008 19h24 par guinch
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