Lorsque l’on se projette dans l’avenir, il n’est pas difficile d’imaginer ce qui va arriver ; misez sur le pire scénario possible et vous ne serez jamais très loin de la réalité, car le pire est dans la nature humaine. Si vous ne me croyez pas, revoyons un peu notre passé…

La population mondiale a rapidement augmentée, trop augmentée ; les veilles nations dominantes ont fermé leurs frontières, construit des murs de béton, posé miradors, clôtures électrifiées, fil de fer barbelé et champs de mines… Tenus de l’autre côté du mur, massacrés comme des animaux lors de leurs tentatives d’immigration ; les habitants de l’autre partie du monde, se sont radicalisés.

Les géants en plein développement, Chine et Inde, se sont fait la guerre pour les dernières ressources pétrolières ; une période florissante pour l’industrie de l’armement des vieilles nations.

Des millions de voix se sont élevées, peut-être même des milliards, mais une poignée de gens au sommet de notre société avait depuis longtemps déjà, tout verrouillé. Incapable d’atteindre l’utopie d’un monde uni dans la paix, l’humanité cheminait sur la voie de l’autodestruction.

Des épidémies d’origine suspecte ont alors ravagé la population du tiers-monde, l’eau potable s’est faite rare comme le pétrole autrefois ; il a fallut se tourner à nouveau vers le nucléaire. La notion de développement durable, galvaudée comme un label « mains propres » par tous, était retournée à la corbeille ; il fallait produire et vite.

Quasiment toutes les cultures naturelles furent supplantées par des organismes génétiquement modifiés, tel un virus, l’humanité devait se propager vers de nouvelles cellules saines ou mourir.

Les colonies nous sauvèrent, et elles décidèrent aussi du modèle économique et social dans lequel nous allions nous engager. Seules quelques nations avaient les moyens et la technologie pour mener à bien des programmes spatiaux, après des décennies d’oubli, elles leur donnèrent alors la plus grande priorité ; lorsque les premières exploitations hors sol, « Offworld » comme le veut l’expression consacrée, se mirent à produire, tout le monde leva la tête vers les étoiles pour admirer cette manne providentielle : le nouveau rêve était né.

A genoux, ayant besoin de ressources, le tiers monde n’eut d’autre solution que de se vendre aux sociétés multinationales ; rapidement, même l’illusion d’un système politique propre disparut, des états « concessions » virent le jour, un trust devînt même la première multiplanétaire et se vit gratifiée d’un siège au conseil des nations unies.

Galvanisée par des promesses de terres nouvelles, de richesses à portée de main, l’humanité se releva de façon spectaculaire ; l’ère spatiale commençait alors. Ce fut un développement rapide, la technologie nous permit d’envisager en plusieurs décades de modifier ou créer des atmosphères aux standards vitaux des êtres humains. Il fallut construire massivement, usines, laboratoires, pas de tir, stations spatiales, centres de formation… Les grands trusts se firent un plaisir de s’engager dans ces contrats faramineux. En dix ans, les nations unies devinrent une assemblée fantoche ; le réel pouvoir étant détenu par l’Autorité Corporative, une sorte de super conseil d’administration nouvellement créé, l’humanité était devenue une entreprise.

Le capitalisme est un système sans pitié, très vite, des sociétés concurrentes se firent la guerre pour les ressources des colonies, bien sûr elles le firent à travers les nations qu’elles finançaient. Etrangement, ces conflits très localisés ne débordèrent jamais sur Terre où se trouvaient les sièges sociaux des corporations. Mais les colonies rapportaient beaucoup, aussi il fut communément accepté comme une pratique que les concessions soient établies par la force des armes.

L’élite de la population, apte aux voyages spatiaux et dotée d’une grande technicité, continuait à s’exiler massivement alors que le marasme régnait sur Terre ; les corporations passèrent des contrats avec les villes afin de créer des complexes urbains « rationnels », des sortes de réserves où les personnes ne travaillant pas pour les compagnies furent traités en citoyens de seconde zone. Dehors, on se mit à tester les technologies de réhabilitation climatique pour refaire de la Terre un endroit agréable à vivre ; elle devint une sorte de résidence pour riches, le reste de la population se concentrant dans les complexes urbains surpeuplés. Une politique de contrôle des naissances s’imposa rapidement à la suite.

L’an deux mille cinquante, l’ère spatiale est à son apogée, la technologie de terraformation est au point depuis une vingtaine d’années, nombre de mondes sont désormais habitables. Il existe à présent un schisme entre les expatriés et la population de la Terre ; les voyages spatiaux sont longs et demandent des années où le corps est plongé en hibernation, ainsi, les spationautes vieillissent moins rapidement que le reste de la population. Des familles sont brisées ; une pathologie liée à la perte de repères sociaux, le syndrome de désorientation asynchrone, fait son apparition ; des vides juridiques permettent même à certains spationautes de faire fructifier des capitaux et devenir riches, mais si l’on tarde à régler les problèmes humains, les problèmes d’argent font rapidement l’objet de nouvelles réglementations. Néanmoins, les professions liées au voyage spatial restent très avantageuses financièrement ; c’est une des raisons qui pousse la population pauvre des complexes urbains terriens à s’engager massivement dans les armées nationales, pour aller combattre dans les colonies. Jamais divulgués, les chiffres des pertes humaines sont colossaux, les profits eux, continuent de grimper.