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Tu seras un homme, mon fils.

Le Diligeant était un vaisseau de moyen tonnage, petit pour un vaisseau de guerre mais embarquant les équipements les plus sophistiqués disponibles dans toute la marine impériale. Ce croiseur léger de classe Carrak n’appartenait pas à une escadre de ligne mais était détaché à la flotte sectorielle du noyau, une affectation prestigieuse tant le bâtiment convoyait des personnalités de l’Empire ; à ce titre le Diligeant était plus un courrier exceptionnel qu’un véritable vaisseau de guerre.


Beaucoup de jeunes officiers carriéristes auraient vu dans cette affectation une opportunité désirable, l’enseigne Cabb lui n’y trouvait qu’un ennui profond doublé du sentiment d’appartenir au mobilier, sa seule joie était lorsque le capitaine ou le second lui laissaient la manœuvre…Oui il devait admettre que régner sur la passerelle d’un bâtiment de guerre était excitant, il pouvait à peine imaginer ce que l’on devait ressentir lorsque c’était la passerelle d’un vaisseau de pavillon comme un puissant Destroyer de classe Impérial.


«Cap sur la balise 1-4-9 monsieur Cabb.»


La voix du second le tira de sa rêverie et l’enseigne de vaisseau jeta un rapide coup d’oeil aux paramètres de navigation avant de répercuter l’ordre.


«Timonier cap sur balise 1-4-9 avance réduite un quart, rotation bâbord douze degrés.»


La marine impériale utilisait un relatif de navigation très précis, tous les bâtiments devaient s’aligner sur un horizon artificiel de référence, en gros rester « à plat » comme un navire en mer…Cela évitait des accidents fâcheux de navigation lorsque l’on ne pouvait plus compter sur les ordinateurs.


Le Diligeant réduit sa vitesse et entra dans le chenal de l’échangeur orbital de Coruscant, l’espace grouillait littéralement sous le traffic spatial et les stations de défense veillaient au grain…La vue était simplement fascinante, mais il ne fallait pas se laisser aller à la contemplation, ici la manœuvre nécessitait une vigilance de tous les instants, le quartier maître assis à la console des communications se tourna et fit état d’un contact radio.


«Le contrôle spatial nous demande codes d’accès et intentions.»


Cela tenait de la formalité mais l’officier de quart sur la passerelle devait délivrer lui-même ces informations, le second appuya sur un bouton du siège de commandement et se brancha sur la fréquence.


«Ici vaisseau de sa majesté Diligeant en approche pour arrimage, ravitaillement avant déploiement et prise en charge de passagers, commençons transmission de nos codes d’accès contrôle, Diligeant terminé.»


Le contrôle spatial vérifia les codes et délivra ensuite un numéro dans la file d’attente pour arrimage, le numéro en question était très proche, ce qui au vu de la foule de bâtiments se pressant autour du dock spatial devait signifier que la mission du Diligeant avait été considérée comme prioritaire par le commandement sectoriel.


Six heures à tuer, les droïdes de chargement étaient à la tâche mais le ravitaillement d’un vaisseau de guerre prenait tout de même du temps, six heures c’était à la fois assez de temps pour s’ennuyer à mourir et trop peu pour s’amuser…L’équipage n’était pas vraiment en permission, une équipe de quart réduite au minimum surveillait les opérations et le reste des hommes et femmes du Diligeant errait sur la station, achetant des souvenirs de Coruscant dans les boutiques de l’astroport de transit ou prenant un verre dans les cafés.


«Rom!»


Le jeune homme manqua de s’étouffer dans son verre de Cohol et se retourna pour voir arriver cette superbe jeune femme rousse qui était sa fiancée, il bondit sur ses pieds et manqua de se mettre au garde à vous, elle lui fit un signe désaprobateur pour l’arrêter à temps.


«Je suis en civil enseigne, tout va bien.»


Il avait rencontré Sasha à l’académie, elle suivait le cursus de l’école de guerre pour accéder au commandement et assurait le tutorat en tactique pour les cadets…Bien sûr il se sentait trop jeune pour savoir si il l’aimait vraiment, mais il avait beaucoup plus en commun avec elle qu’avec n’importe laquelle des débutantes de Chandrila avec qui il était sorti par le passé. Sasha était une femme distinguée et parée du calme stoïque des officiers supérieurs, mais en privé elle ne manquait jamais de laisser revenir son naturel de Corellienne au galop en lâchant des bordées de jurons si soutenues qu’elles auraient pu envoyer par le vide un destroyer stellaire.


Leur relation n’était pas de tout repos, ils étaient tout le temps loin de l’autre depuis la fin de l’année précédente et devaient évoluer dans le labyrinthe des règlements militaires régissant les relations entre officiers ; les parents de Sasha étaient des gens charmants, et ils avaient appris avec grand plaisir que leur fille allait épouser le futur Lord Cabb de Chandrila, lui-même fils d’un des officiers généraux les plus influents de l’Empire. Quant à Père, il avait consenti et cela était déjà beaucoup quand on savait son inimité pour les gens de la spatiale. Le souvenir du Général Lord Cabb assistant à la cérémonie de promotion de l’académie navale était un souvenir poignant pour Rommor, il avait salué son père qui avait ensuite serré sa main avec un sourire…Un sourire ! Et il lui avait présenté Sasha bien sûr.


C’était une période faste de la vie du jeune homme, seule l’absence de Mère faisait une ombre au tableau…Mais le réveil était dur, l’affectation mortelle sur le Diligeant, la séparation pourtant courrue d’avance avec sa fiancée et l’absence complète de nouvelles venant de Mère. Le sourire de Sasha lui enlevait ces pensées de l’esprit, il tira une chaise et l’invita à s’asseoir avec lui.


«Tu as pu venir, c’est vraiment bien. Je ne savais pas combien de temps nous resterions à quai.»


Ils parlèrent, admirant Coruscant depuis la baie d’observation du bar…Mais tout ce qu’ils pouvaient se dire n’était qu’un masque devant l’angoisse de se retrouver à nouveau séparés pour au moins deux mois dans les heures à venir.


«J’ai eu mon affectation il y a deux jours, je vais remplacer le second du Chevalier Stellaire, un Victoire-II basé à Bilbringi.»


Rommor joua un peu avec son verre, il hésitait entre montrer sa déception quant au port d’attache lointain du vaisseau et féliciter sa fiancée pour avoir obtenu si vite un destroyer, il la prit par l’épaule et soupira tout de même.


«C’est bien, c’est vraiment très bien…Dans deux ans ou moins tu aura ton propre commandement hypercapable, je vais être jaloux comme un poux ma chérie.»


Elle l’embrassa en souriant, elle savait bien qu’il lui restait au moins trois ans avant de pouvoir intégrer l’école de guerre et briguer un poste de second…Monsieur son père n’était pas pour les passe-droits magré ses relations.


«Allez viens, il nous reste plus de quatre heures avant que vous ne leviez l’ancre.»


Un peu plus de deux semaines qu’ils ne s’étaient pas vus, les amoureux partirent donc rattraper le temps perdu.


Le sifflet du maître d’équipage retentit et la haie d’honneur à la sortie de l’ombilical se mit au garde à vous, de là où il se tenait, l’enseigne Cabb ne voyait pas la personne se tenant de l’autre côté du sas ; il entendit le bruit de bottes résonnant sur le pont métallique et put seulement apercevoir un rictus haineux traverser le visage d’habitude impassible du capitaine. Une voix harmonieuse et maîtrisée emplit la coursive.


«Permission de monter à bord ?»


Le capitaine se fendit d’un salut et donna la traditionnelle permission au visiteur, beaucoup de membres d’équipage ne purent alors s’empêcher de tressaillir ou de montrer leur trouble en voyant monter un commandant non-humain à bord de leur navire. Cet humanoïde pourtant semblable aux humains en bien des points avait une peau d’un bleu très sombre qui n’en faisait ressortir de plus belle les charbons ardents qu’étaient ses yeux d’un rouge plein.


«Bienvenue à bord du Diligeant commandant Thrawn.»


Le non-humain parcourut la haie d’officiers d’un regard intéressé puis dériva légèrement sur la coursive impeccable du croiseur léger.


«C’est un bon navire que vous avez là capitaine.»


Aussi courtoisement que possible, le capitaine invita le commandant à le suivre pour lui montrer ses quartiers, le détachement d’accueil fut alors renvoyé à ses occupations, le Diligeant allait prendre l’espace.


«Cap sur point de route deux établi, vitesse deux quarts et tous systèmes nominaux.»


L’enseigne Cabb fit un signe de tête à son pilote et se retourna vers le capitaine.


«Balise un passée mon capitaine, nous sommes sortis du chenal et accélérons à deux quarts en préparation pour passage de la bare de l’hypersepace.»


Le capitaine se tourna alors vers son encombrant passager, lequel observait sa passerelle depuis les ombres de la station technique, sa voix flûtée faisait l’effet du ronronnement d’un félin, apaisante mais il était difficile d’oublier que l’animal pouvait vous sauter à la gorge à tout instant.


«Notre destination est l’orbite de la planète Naboo capitaine.»


C’était une information, pas un ordre ; cet officier supérieur n’était pas de la trempe des dominateurs qui abondaient dans la marine impériale ces derniers temps, il n’avait pas usurpé l’autorité du capitaine sur sa passerelle, ce qui aiderait sûrement à atténuer la tension de leurs relations pour les semaines à venir…En fils de politicienne, Rommor trouva cela très habile. Le capitaine se retourna vers lui et fit son ton aussi ferme que possible pour s’asseoir face à ses hommes comme celui qui tenait la barre.


«Monsieur Cabb, route pour Naboo à vitesse hyperspatiale.»


Rommor claqua des talons et fit ce que l’homme attendait de lui.


«A vos ordres !»


Il pivota et repri une position plus « détendue » si on osait l’appeler ainsi, le mains croisées dans son dos et les jambes légèrement écartées.


«Astrogation, passage en hyperespace dès que nous aurons atteint le point de route deux.»


Le navire glissa à travers l’espace, et dès qu’il eu atteint la limite de sûreté engagea son hyperdrive, il se transforma alors en une flèche et disparut de l’espace de Coruscant. La manœuvre avait été harmonieuse et rapide, le capitaine satisfait se leva pour quitter la passerelle.


«Monsieur Cabb, la passerelle est à vous.»


Rommor le salua et regarda soulagé son capitaine partir…


Une chance qu’il n’ait rien vu.


Préoccupé, l’enseigne se dirigea vers la table d’astrogation et son navigateur visiblement content de lui…Son mince sourire s’effaça lorsqu’il vit que son officier coordinateur étudiait d’un air pensif les cartes de navigation.


«Quelque chose ne va pas monsieur ? J’ai pourtant préparé le saut à l’avance comme prévu.»


Oui en effet, sur les destination probables du navire, l’astrogateur avait bien suivi les ordres de son supérieur et pré-calculé les sauts à partir du point de route deux, mais…


«Vous auriez pu faire mieux.»


La voix du commandant Thrawn que tous avaient oublié depuis son point d’observation privilégié fit sursauter l’astrogateur autant que l’enseigne Cabb, il se retournèrent dans un garde à vous roide pour faire face à l’étrange officier supérieur qui s’était approché pour observer la table de navigation à son tour.


«Expliquez-lui monsieur Cabb, allez-y.»


Rommor, stressé s’approcha de la table et saisit le marqueur.


«Votre route hyperspatiale est une ligne droite, ce qui signifie que c’est celle suggérée par le nav-ordinateur…Il n’y a rien à dire sur ses qualités, il est très bon et son trajet est sûr, néanmoins le nav-ordinateur ne prend en compte que les informations qui sont à sa disposition, soit les relevés des senseurs du vaisseau, lesquels ne couvrent que la proximité immédiate du Diligeant. Si vous regardez notre trajet vous verrez qu’il y a des bases navales ici, ici…Et ici. Maintenant si nous avions demandé aux communications de nous fournir le journal des émissions de l’holonet naval pour les dernières vingt-quatres heures, nous aurions eu les relevés astronomiques des bases sur notre trajet, et en entrant ces informations dans le nav-ordinateur, nous aurions pu optimiser notre trajet d’au moins quelques heures.»


l’Enseigne se retourna vers le commandant pour affronter son regard de braise, ce dernier se contenta d’approuver l’exposé d’un discret signe de tête. Beaucoup de jeunes officiers auraient dit : « …si VOUS aviez demandé aux communications… » , mais Cabb avait assumé la faute de son équipage.


«C’est correct, veillez à ce que vos hommes ne réitèrent pas cette erreur monsieur Cabb.»


Reprenant un garde à vous effrayé, les deux hommes virent le commandant quitter à son tour la passerelle.


«On est pas passés loin cette fois-ci mon vieux.»


l’Astrogateur approuva le commentaire de son officier supérieur et lui fit un sourire désolé auquel ce dernier lui répondit en faisant mine de s'étrangler ; la blague sur le seigneur Vador, bien connue dans la marine impériale, détendit un peu l'atmosphère de la passerelle qui retourna cependant rapidement à ses devoirs.
Page vue 863 fois, créée le 18.03.2008 19h21 par guinch et modifiée le 13.04.2012 17h16 par guinch (#7)
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