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Toi aussi, tu seras un homme, mon fils.

Timrönn Ushur Dann est né à Cimerouge, un village de l’arrière-pays du domaine Cabb ; c’est un endroit agréable, dans la montagne et au centre des forêts du domaine.

 

Il y grandit au fil des saisons ; au printemps et en été, quand les feuilles sont vertes et la forêt emplie du chant des oiseaux ; en automne, où la cime des arbres et la montagne se couvre d’ocre ; en hiver, où le souffle des enfants se change en buée, et les arbres décharnés attendent des jours meilleurs.

 

Une fois l’an, son père emmenait toute la famille dans le vieux camion-speeder dont il se servait pour transporter son bois ; ils se rendaient à Brasierville chez une tante pour assister à l’embrasement et à la parade des guerriers du clan. Timrönn a toujours aimé cette fête, les fruits caramélisés, le vin chaud, les danses et les rires ; les guerriers au torse puissant comme un tronc d’arbre, leur Kosh’ra à la main, le récit du seigneur parlant des temps de feu.

 

Son père lui avait souvent raconté comment grand-père, avait pris les armes pour marcher parmi les hommes du clan sur Xanathu ; et que les Cabbs, aux côtés de la seule garde Nova d’Ailon y avaient stoppé une invasion des hordes barbares de Zilton. C’était un grand honneur qu’un de ses aïeuls ait péri aux côtés d’un seigneur Cabb à la bataille du défilé de Xanathu. Sa cape rouge avait été intégrée aux étendards du clan, flottant fièrement dans le soleil de midi, sur la place de Cimerouge.

 

Le jeune Timrönn a su très tôt ce qu’il voulait faire dans la vie ; c’était le solstice d’été, et à cette occasion les jeux de l’arène accueillaient les meilleurs danseurs, les bêtes de combat les plus racées. Il devait avoir six ans lorsqu’il assista au combat qui allait changer sa vie.

 

Le danseur avait quinze ans, c’était très inhabituel, surtout pour une bête de plus de cent cinquante kilos ; le Velion caparaçonné était très beau, massif, musclé et son museau était un marteau puissant et profilé. Mais ce danseur n’était pas n’importe quel garçon, c’était l’héritier du clan. Ils se regardaient, la bête et lui, seuls dans la poussière de l’arène. Le danseur banda ses muscles et poussa un hurlement de défi à la bête, c’était un cri plein de hargne et de fierté, c’était un cri auquel tous les jeunes autour de la palissade se rallièrent ; la bête s’ébroua puis chargea.

 

C’était beau et terrifiant, l’homme et l’animal se courraient dessus, continuant de se darder d’un regard féroce ; tenant à deux mains le lourd Kosh’ra, accroché à son poignet droit par une lanière de cuir, le danseur bondit à l’ultime moment sur le côté et asséna un coup formidable entre les plaques d’armure de la bête ; le sang gicla avec force puis se transforma en flot. La bête blessées pivota lentement pour faire face à son adversaire, avec courage, elle poursuivit le combat. A sa deuxième passe, le Velion donna un large coup de tête sur le côté et son épaule droite percuta violemment le danseur, l’envoyant rouler dans la terre gorgée de sang. Il n’évita que de peu d’être piétiné par l’énorme créature qui le chargeait à nouveau, haletante ; se redressant sur un genou, il roula sur le côté, et la frappa à l’articulation médiane de sa patte avant droite, l’envoyant s’écraser tête la première sur le sol.

 

La bête blessée gisait à quelques mètres seulement de Timrönn, elle essayait lentement de se redresser, mais le sang qu’elle perdait à gros bouillons, et sa patte blessée l’en empêchaient ; rapidement, elle abandonna, se concentrant pour faire entrer l’air dans ses poumons et retarder sa mort prochaine. La souffrance et la tristesse se lisaient dans les petits yeux ronds du Velion, et Timrönn se sentait soudain honteux, au milieu des cris sauvages de la foule. Le danseur s’approcha de la bête blessée, il se tenait les côtes et avait lui aussi probablement souffert de l’affrontement, mais cela n’avait pas commune mesure. Saisissant l’hypodermique à sa ceinture, il le planta au défaut de la carapace, la respiration du Velion devint plus ample, ses yeux vitreux alors qu’il était soudain libéré de sa douleur. Le danseur saisit son Kosh’ra à deux mains, le leva bien haut au dessus de la tête de la bête, puis l’abattit de toutes ses forces, grimaçant de douleur.

 

Le sang éclaboussa Timrönn, qui pleurait abondamment.

 

Le danseur marcha le long de la palissade, triomphant sous les vivats de la foule ; il apposa son pouce ensanglanté sur le front de chaque jeune accroché à la palissade, faisant d’eux des hommes ; témoins initiés du violent passage de la vie, à la mort... Dans la danse du sang. Le danseur était un prêtre et un guerrier, il officiait là son dernier rituel, car atteint sa seizième année, il partirait pour la guerre.
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