Timrönn avait grandi pour devenir un garçon agile et solide, quoi que de taille modeste comme sa mère ; il aidait son père, charpentier, à l’atelier ; et se faisait remarquer des filles par son audace lors des fêtes, il devînt rapidement un danseur réputé qui était invité aux fêtes des villes voisines.
C’était une journée superbe ; après avoir effectué la livraison d’un buffet chez dame Rodegor, Timrönn rentra à l’atelier où travaillait son père ; ce dernier remarqua rapidement l’excitation de son fils unique.
_ Qu’est-ce qui te donne la bougeante comme ça, fils ?
_ J’ai vu les nouvelles sur le projecteur holographique de la section locale du COMPORN, Maître Rom’ a remporté une bataille à Sepan ! C’était incroyable !
_ Eh, c’est bien… Mais tu sais où c’est toi, Sepan ?
_ Ben vaguement, dans les colonies extérieures j’crois bien pa’.
_ T’es futé, c’est bien d’avoir retenu ce qu’ils t’ont enseigné à l’école ; je suis sûr que tu te débrouillera mieux que moi avec les affaires… Un ou deux droids de plus et ça tournera quasiment tout seul dans cet atelier.
_ Oh, ils remplaceront jamais vraiment les mains du menuisier, nan ?
_ C’est vrai, faut pas entièrement se reposer sur ces choses-là ; rappelle-toi comment notre seigneur a bataillé durant les guerres noires !
_ A c’propos pa’…
Le cœur de Kalon Hell Dann se serra en voyant la lumière dans les yeux de son fils, il savait que ce moment risquait de venir un jour ; on révérait les membres du clan qui partaient, mais il n’avait pas envie de savoir son fils là dehors… Pas pour l’Empire.
_ J’ai l’âge maintenant, et j’me disais que t’es encore vaillant ; donc, je pourrai peut-être m’engager.
_ Ca va briser l’cœur de ta mère Tim, et pis l’mien aussi… Mais si c’est ce que tu veux vraiment, alors on t’en empêchera pas.
Timrönn aurait du sauter de joie au consentement de son père, mais tout d’un coup, l’artisan solide semblait avoir vieilli de dix ans ; il s’essuya les yeux avec un chiffon et tourna le dos à son fils.
_ Pa ?
_ Ca va aller, fils… C’est juste c’te cochonnerie de sciure. Va prévenir ta mère, je vous rejoins.
Lorsque Kalon rejoignit son fils et son épouse dans la cuisine ; il trouva cette dernière pâle comme un linge, se tordant les mains d’angoisse ; il contourna la table et prit son épouse par l’épaule. Timrönn était complètement décomposé par le chagrin de ses parents.
_ Mina, va chercher la boîte dans mon secrétaire.
Elle le regarda, il essuya ses larmes et lui fit un signe lent de la tête, alors elle disparut dans le couloir.
_ Pa, je voulais pas…
Il arrêta Timrönn, lui posant la main sur l’épaule.
_ Ta maman et moi, on est très fiers de toi mon fils.
I l’étreignit, plus fort qu’à l’accoutumée alors que la mère de Timrönn était revenue avec une petite boîte en bois.
_ J’ai quelque chose que je veux que tu aies Timrönn Ushur.
C’était sa mère qui avait pris place à ses côtés à présent ; la situation était solennelle, son père ne l’appelait que rarement par son nom complet, le plus généralement pour lui passer un savon. La boîte était très belle, dans le style massif des créations Cabb, avec de beaux motifs de flammes ouvragés et un soleil rayonnant sur son couvercle ; Kalon Hell Dann en sortit un objet enveloppé dans de l’étoffe rouge ; la dépliant, il dévoila une dague à deux tranchants, des veines gravées courant à sa surface étincelante.
_ C’est un Ûthan, un poignard sacrificiel fait il y a très longtemps, dans un alliage de métaux qu’on ne trouve pas sur notre monde ; il appartenait à ton grand-père, qui lui-même le tenait des gens de notre sang.
Timrönn reconnaissait l’arme, il en avait vu de semblables au musée de l’unification de Brasierville.
_ Il est à toi maintenant, prend le linge aussi, c’était un bout de la cape de mon père… Son sang est encore sur cette étoffe Timrönn Ushur, prends en grand soin et elle te donnera force et courage quand tu en aura besoin.
Le jeune homme prit l’arme et la remballa dans l’étoffe avec précaution.
_ Merci père.
_ Va préparer ton sac, je vais sortir le speeder pour t’emmener en ville.
C’était comme si tout d’un coup il n’était plus là, son père ne le regardait plus ; il sortit alors que sa mère s’empressait d’aller dans sa chambre l’aider à faire son paquetage.
Kalon Hell Dann entra dans son atelier, et ferma la porte derrière lui ; rouge de fureur il s’appuya sur l’établi et essaya de se calmer, en vain. Il attrapa à pleine mains la chaise sur laquelle il travaillait depuis des heures et la fracassa sur le sol, puis il entama de jeter tout ce qui lui tombait sous la main, hurlant et hurlant mille malédictions contre l’Empereur. Il finit par tomber à genoux, brisé par les sanglots… Et il y resta longtemps.
« Thyrsus, protège mon garçon... »