La section tenait un checkpoint aux portes de la ville, seuls quelques véhicules étaient autorisés à circuler dans les rues de Daeric, tout le reste des civils devaient marcher. Tess avait placé son blaster mitrailleur léger en batterie derrière des containers remplis de terre, une herse disruptive bloquait le passage des antigrav ; son E-11 calée à l’épaule, le doigt sur le ponté ; Timrönn essayait de garder sa vigilance aiguisée… Mais la journée était longue.
_ Véhicule en approche !
Yosh, posté de l’autre côté afin d'effectuer un tir croisé si nécessaire, agita sa tige lumineuse pour faire signe au landspeeder utilitaire de ralentir. Un Mon Cal était aux commandes ; Timrönn fit signe à son camarade, et il s’approcha pour saluer le non-humain avec sûrement plus de politesse que la majorité des soldats impériaux.
_ Bonjour citoyen, avez-vous une autorisation de la préfecture pour circuler en ville ?
_ Oui, tenez soldat.
Timrönn visionna la carte de données, c’était en règles.
_ Vous ne verrez pas d’objections à ce que nous vérifions le contenu de votre plateau ?
_ Non, bien sûr.
Yosh ouvrit le haillon arrière, jetant un coup d’œil à la cargaison de fruits et légumes ; puis il fit un hochement de tête à Timrönn, lequel rendit sa carte d’identité au conducteur.
_ Vous pouvez y aller, bonne journée.
Le véhicule démarra lentement, déjà le suivant s’approchait du point de contrôle ; c’était une belle journée, la fin de l’été, Tim passa derrière la barricade où Tess tenait son BLAF, pour boire un coup.
_ Tu me remplaces caporal ? Je commence à avoir des fourmis dans les jambes à force de poireauter pour rien.
_ Sûr, c’est plutôt tranquille.
_ Ouais, pas vraiment ce qu’ils montraient dans les holos de recrutement, hein ?
_ T’en fais pas Tess, on finira par l’avoir notre moment de gloire !
_ T’es un incurable optimiste Dann, qui sait, tu finiras peut-être même par trouver une nana qui voudra bien de toi !
_ Ah, ah, très amusant beauté fatale… Prends mon flingue et va donc rejoindre Yosh, au lieu de nous faire mourir de rire.
La grande femme s’empara de sa carabine et la passa en bandoulière, l’air rigolard ; c’est la dernière chose que Tim put dire à Tessa Faran Felton, moins d’une seconde après, le véhicule au point de contrôlé explosait, lui arrachant une jambe et une partie du visage.
Les tympans éclatés, brûlé de façon superficielle et complètement en état de choc ; Timrönn Ushur Dann essayait de se redresser pour chuter de plus belle ; où était le ciel ? Etait-ce la terre là contre lui ? Quel était ce truc gluant et tiède sur son visage et ses bras ?
Le corps mutilé de Tess bougeait encore, agité de soubresauts nerveux… Parmi cette véritable fontaine de sang, Timrönn ne voyait étrangement qu’une mèche de cheveux blonds, il voulait se concentrer sur ce détail, c’était la grande Tessa, pas cette chose mutilée. Il rampa jusqu’à elle, mais il n’y avait rien à faire, rien à part poser ses mains sur la chair à vif, et hurler sans savoir si quelqu’un pouvait l’entendre, pas même lui.
Même après que les secours soient arrivés, Timrönn Ushur Dann cria pendant cinq bonnes minutes que son amie avait besoin d’un infirmier ; c’était faux, elle n’en avait plus besoin, ce qui n’était pas son cas.
_ Comment tu te sens, fils ?
Le droid médical s’arrêta près de la cuve à Bacta et informa d’une voix sans émotion l’officier.
_ Il ne vous entend pas, colonel.
_ Pauvre gosse.
Le droid ne commenta pas et glissa vers un autre tube où flottait un patient, ou ce qu’il en restait ; les bras arachnéens de la machine, repliés le long du cylindre qui lui servait de corps, cliquetaient comme les mandibules d'une créature de cauchemar. Le caporal Dann avait eu de la chance d’en sortir vivant, s’il s’était trouvé partout ailleurs que derrière la barricade au moment de l’explosion, il aurait connu le sort de tous ses autres camarades… Mais les bérets rouges avaient fait leur travail, ce véhicule piégé aurait pu faire beaucoup plus de morts s’il n’avait pas été arrêté au checkpoint. C’était une sale guerre, Japhal Kern se gardait bien de juger l’ennemi ; si le rapport de forces avait été inversé en leur faveur, il aurait opéré à la façon des rebelles. Il n’y avait que peu de place pour les jugements moraux au combat, c’étaient les historiens qui avaient le luxe de ce genre de considérations, pas les soldats… Eux n’avaient que le droit de mourir ou de survivre, on finissait toujours pas les blâmer un jour ou l’autre de toute façon.
Ceux qui, comme la majorité des gosses qui composaient les forces armées impériales, s’engageaient pour devenir des héros, finissait toujours pas tomber de haut… Il n’y avait pas de héros vivants, ou pouvant trouver un sommeil paisible une fois la nuit tombée. Japhal Kern ne dormait pas, lui non plus. Les nerfs à bout, il envoya valser le plateau posé près de la cuve.
_ MERDE !
Quelques regards fugitifs, le silence persista et l’officier finit par quitter l’hôpital naval de Coronet.